Edouard Amoiel

23 octobre 2025

Le Michelin a parlé, mais l’émotion s’effrite. Derrière les étoiles et les larmes, c’est tout un système qui interroge : opaque, figé, parfois déconnecté de ceux qu’il prétend célébrer. Alors que la Suisse est au firmament, ne serait-il pas temps de rallumer la flamme différemment ?

Je ne ferai plus un examen détaillé des notes ni des barèmes à rallonge. Non pas par désintérêt ou lassitude, mais parce que le temps m’appelle ailleurs. Et parce qu’à force d’écrire, de goûter, de rencontrer, j’ai compris qu’il y avait d’autres manières d’aimer la cuisine et de mettre en lumière ses honorables acteurs. Peut-être est-ce l’âge, la maturité, ou simplement la (re)connaissance d’un métier que je respecte plus que tout.

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La joie du chef Gilles Varone ©DR

Le prix de la consécration

Le guide Michelin reste bien sûr une distinction merveilleuse, un rêve, une consécration pour celles et ceux qui consacrent leur vie à leur art. Impossible de rester insensible à la joie et aux larmes de Gilles Varon à l’annonce de ses deux étoiles. Difficile de ne pas être ému en voyant Charline Pichon du restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, déjà honorée par le Gault&Millau, faire un doublé en décrochant le titre de sommelière de l’année.

Mais voilà : l’opacité du guide me dérange. À une époque où la transparence est devenue une valeur cardinale, comment comprendre qu’un système aussi influent demeure si hermétique ? Alors que la restauration traverse une conjoncture fragile, parfois même cruelle, la grande Bible rouge est-elle encore réellement en phase avec ceux qu’elle juge depuis plus d’un siècle ? Du côté des chefs, l’enthousiasme qu’elle suscite prouve sans doute que la magie opère toujours. Mais le public, lui, y croit-il encore ? Est-il toujours sensible à ces codes et à ces façons de procéder d’un autre temps ? Le guide est-il finalement toujours une référence pour la jeune génération ?

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Les lauréats du guide Michelin Suisse 2025 ©DR

Trop de et pas assez de…

Et puis il y a eu cette cérémonie, le lundi 20 octobre, au sein de l’École Hôtelière de Lausanne, pour la quatrième année consécutive. Un moment attendu, et pourtant… une ambiance terne, presque morose. Le show manquait d’allant, de panache, d’effervescence, tout ce qui devrait naturellement accompagner la célébration du travail, de la sueur, des rêves de toute une profession. Trop de sponsors, pas assez d’âme. Trop de discours, pas assez d’histoires.

On aurait aimé un peu plus de lumière, un peu plus de joie sur ces hauteurs lausannoises. Parce que la Suisse, rappelons-le, est le pays le plus étoilé au monde au prorata de sa population. Parce que nos terroirs, nos vallées, nos lacs et nos montagnes regorgent d’une richesse culinaire exceptionnelle. Alors oui, réjouissons-nous. Espérons un souffle nouveau, une dynamique plus humaine, plus vivante, plus inspirante. Car les restaurateurs qui nous régalent jour après jour méritent bien mieux. Et, en toute honnêteté, vous et moi aussi…


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