Bordeaux, la remise en question ?

Edouard Amoiel

20 mai 2025

Le responsable de la sélection et des ventes du CAVE, Mathieu Quetglas, partage avec nous son expertise viticole et décrypte la situation actuelle du vignoble bordelais. Une mise à niveau s’impose...

Il semble que le vignoble bordelais soit en pleine réflexion à la suite des crises successives que nous traversons. Taxes douanières, marchés en baisse, réduction des prix, guerre commerciale… Bordeaux est-il à la croisée des chemins ? Il est grand temps de remettre le château au milieu du village.

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Mathieu Quetglas du CAVE lors des Primeurs 2025

Pourquoi les prix de certains domaines bordelais ont-ils baissé de 30% sur le millésime 2024 ?

C’est une véritable rééquilibration tarifaire ! À partir de 2023, nous avions déjà constaté une baisse des prix après l’exceptionnel millésime 2022. Même si ce dernier était grandiose, le positionnement tarifaire était trop haut. Il y a eu un moment où les prix pratiqués n’étaient plus en accord avec le marché. Si Bordeaux ne baissait pas ses prix, le marché n’allait pas répondre. Les temps ont changé et Bordeaux doit s’adapter.

Les prix du millésime 2024 sont-ils donc cohérents ?

Absolument ! Bordeaux revient à une forme de normalité. Après des dégustations dans de nombreux domaines sur place, on constate de grands succès comme certaines déceptions. Tandis que certains châteaux ont déjà baissé leur prix, d’autres ont considéré que leur prix était en ligne ou alors qu’ils étaient beaucoup trop hauts et devaient donc baisser. Ce qui est sûr, c’est qu’en règle générale, les amateurs de Bordeaux ne sont plus prêts à payer les sommes équivalentes aux années précédentes.

La Suisse est-elle un marché important pour Bordeaux ?

Sans aucun doute ! Toute proportion gardée en matière de quantité, c’est un marché de qualité. Les vins de Bordeaux ont toujours été très appréciés par les connaisseurs et les amateurs helvétiques. La Suisse est considérée comme un marché sûr. Au CAVE, nous sommes régulièrement interrogés afin de connaître la santé du marché bordelais. L’intérêt est constant !

Les menaces tarifaires de Donald Trump, ont-elles été le déclencheur ?

Non, je pense que c’est une goutte d’eau qui remplit encore un peu plus le vase. La guerre en Ukraine ou la dévaluation de certaines monnaies impactent tout autant le monde du vin bordelais. C’est une situation qui est globale et qui ne peut pas être exclusivement imputée à la politique récente des Etats-Unis.

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Le marché chinois… les grands absents ?

Oui effectivement ! Même si les dégustateurs chinois sont présents, il y a une baisse significative des commandes. Le marché a moins tendance à réagir qu’à l’époque ou quasiment tous types de maisons trouvaient preneur en Chine. De notre côté, nous pouvons en faire le constat avec nos allocations qui sont du coup plus importantes.

Le fonctionnement des primeurs est-il toujours d’actualité ?

Au sens commercial, oui je pense. Même s’il a y a une immobilisation de capitaux avant de recevoir la marchandise, cela permet une économie certaine. Il est important que le prix des primeurs ne fluctue pas vers la hausse du prix de commercialisation. Les primeurs doivent rester un moment privilégié pour que les amateurs de vin puissent avoir des tarifs avantageux. C’est un modèle qui a connu des difficultés mais je suis sûr que Bordeaux est en train de prendre le bon virage.

Quels sont les coups cœur 2024 du CAVE ?

Je trouve toujours intéressant de chercher un bon rapport prix et plaisir. Nous aimons beaucoup le domaine de l’A de Stéphane Derenoncourt, les châteaux Marsau et Laroque sur Saint-Émilion. Parmi nos grands coups de cœur, le Château Phélan Ségur et Les Carmes Haut-Brion ou encore la Conseillante figurent en tête.


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