Mitja Birlo, la fascination du comptoir

Edouard Amoiel

12 octobre 2025

À Zurich, le chef doublement étoilé Mitja Birlo délaisse le spectacle pour la proximité. Son comptoir devient scène, son geste discours - l’art de cuisiner au plus près du vrai.

On y entre comme dans un sanctuaire discret. Niché à deux pas de la Bahnhofstrasse, The Counter du chef Mitja Birlo est un lieu à part, un théâtre culinaire où vous êtes assis face à la scène, au plus près des acteurs gastronomiques tous vêtus de noir. Pas de faste ni de distance : juste un comptoir, une vingtaine de convives et une énergie qui circule, fluide, maîtrisée, sincère. L’ambiance est douce, presque méditative. Lumière rasante, matériaux brut, silence contenu — et ce murmure des casseroles qui suffit à poser un cadre. Ici, le spectacle est dans le détail, l’élégance s’exprime à travers l’émanation d’un arôme, la justesse d’une découpe, le regard du chef vers ses hôtes. La cuisine devient une conversation assumée entre deux mondes qui s’observent pour mieux se comprendre.

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Le shokupan / bretzel de Mitja Birlo ©Edouard Amoiel

Shokupan salé

Ancien maître des fourneaux du prestigieux 7132 Silver à Vals, Mitja Birlo créé à Zurich un langage culinaire cosmopolite et énergétique. Au cœur de la capitale gastronomique helvétique, il récupère dignement ses deux étoiles au guide Michelin et repart en quête d’influences culinaires qui lui sont chères — japonaises, thaïlandaises, mexicaines, mais toujours avec cette rigueur suisse au découpage précis, à la cuisson juste.

Le shokupan en version bretzel ouvre le bal. Ce pain japonais réinterprété, nappé de beurre fondu et de quelques grains de sel, se révèle d’une sensualité désarmante. Une bouchée et déjà le voyage commence : Japon et Bavière se frôlent, se fondent, se répondent dans une création beurrée à se damner. Cap ensuite vers la Grèce, avec un tzatzíki revisité : crème d’ail noir, mousse d’aneth, huile de citron et caviar en touche finale. Fraîcheur et profondeur se mêlent, entre l’évocation d’un été méditerranéen et la sérénité iodée du luxe discret.

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Le cracker de Saint-Jacques de Mitja Birlo ©Edouard Amoiel

Cèleri 2.0

Puis vient un cracker géant en guise de « finger food », sur lequel reposent de fines lamelles de Saint-Jacques de plongée, à peine poêlées, accompagnées d’une purée de courge et d’une sauce thaï au gingembre et chili. Un pont entre Orient et Occident, entre feu et douceur, d’une précision d’orfèvre. Le turbot s’impose ensuite, fumé puis cuit au beurre, servi avec une salade de radis et une crème de shiso. L’huile de safran et l’huile de persil viennent parachever cette beauté marine : un plat tout en rondeur, en lumière, en équilibre parfait entre intensité et apaisement.

Vous découvrez ensuite la métamorphose du céleri-rave, signature du chef. Grillé et laqué au miso et au beurre, le légume s’accompagne d’une sauce dense et hypnotique : betterave réduite, bouillon de poule concentré et huile de poivre noir. L’accord est d’une précision redoutable : terrien, charnel, vibrant. Ce plat révèle une fois de plus que le chef connaît le feu, les réductions et la patience. Le dessert, d’apparence ludique, achève le voyage sur une note d’irrévérence subtile : une mousse de pop-corn, coiffée d’un sorbet à la mandarine et d’un caramel de miso. Entre sucré, salé et amer, tout s’équilibre, tout s’apaise. Un clin d’œil complice, presque enfantin, avant de revenir au brouhaha du monde extérieur.

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La mousse de pop-corn et son sorbet mandarine ©Edouard Amoiel

Laboratoire d’émotions

En plein gare de Zurich, Mitja Birlo prolonge la scène gastronomique sans artifice. Son restaurant est une bulle suspendue, un laboratoire d’émotions où le geste prime sur le discours. Pas de démonstration, pas de spectaculaire. Une précision helvétique en contrepartie d’un esprit libre.


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