Benoît Carcenat : « je suis fier du travail accompli » !
Moustache affutée et veste de cuisinier d’un blanc immaculé, Benoît Carcenat nous reçoit dans sa maison de Rougemont. Une demeure gourmande qui, en a peine quatre ans, s’est hissée au somment de la hiérarchie gastronomique helvétique. Aux côtés de ce cuisinier au col bleu-blanc-rouge se tient une équipe de jeunes talents qui ont tous contribué – à un moment ou un autre – à la réussite de cette aventure. Le sort en a malheureusement décidé autrement et contre toute attente, la rupture a été annoncée avant le début de l’été via un communiqué de presse laconique d’une froideur inouïe.
Les raisons de cette décision sont propres aux protagonistes concernés mais nous la regrettons profondément. Alors que Benoît Carcenat et ses collaborateurs assurent les services jusqu’au 5 octobre, une 24ème et dernière carte des mets vient de sortir. L’occasion de retourner une dernière fois au Valrose sous l’ère Carcenat. Mais rassurez-vous, le chef n’a pas dit son dernier mot et son avenir gastronomique promet d’être radieux. Il nous faudra simplement être patients. Chef, c’est à vous…

Que retenez-vous de vos quatre années passée au Valrose ?
Après avoir tenu les cuisines des autres, je me suis découvert cuisinier en nom propre. J’ai commencé par une feuille blanche. Au fil du temps, j’ai découvert une merveilleuse région, des producteurs exceptionnels et des clients aussi discrets que connaisseurs et exigeants. J’ai dû montrer patte blanche dès mon arrivée. Le plus important : dire ce que l’on va faire et surtout faire ce que l’on a dit
Comment avez-vous construit votre style ?
En fait, sans vraiment me poser la question on démarre avec ce que l’on a sous la main et, ce que l’on ne trouve pas, nous allons le chercher un peu plus loin (mais le moins loin possible). Cela étant, ce qui compte le plus sont la création et la gestion d’une carte des mets avec le service en salle qui en découle. Au fil des saisons, nous avons de plus en plus laissé libre cours à notre imagination. Nous avons élaboré une trentaine de menus qui sont venus s’ajouter aux menus spéciaux.

Avez-vous une saison préférée ou plat préféré ?
Pour être franc, pas vraiment. Du côté des plats, je distingue la notion de préférence entre notre ressenti et celui du client. Certaines créations ont fait l’unanimité du côté de notre équipe alors que les convives n’éprouvaient pas forcément les mêmes émotions. Et vice versa. De mémoire, la tomate Rubik’s Cube de lamelles de tomate encoffrant un cœur de tartare de crevettes et caviar ou l’oignon en gratinée resteront, je crois, dans les mémoires. J’ai surtout découvert le plaisir de travailler les légumes quel que soit le moment de l’année.
Les distinctions obtenues ont-elles confirmé votre vision ?
Peut-être… même si je ne suis pas dans l’attente des récompenses pour me conforter dans mes choix. Se sentir reconnu est gratifiant mais quand la durée quotidienne de votre travail est de quinze heures derrière des fourneaux, on doit théoriquement savoir si on a trouvé le bon chemin ou pas. Ce à quoi j’attache de l’importance, en plus du retour des clients, et que je conserve en moi précieusement, c’est le doute qui permet une remise en question permanente. Les guides ne peuvent pas apporter cette notion…
Josselin Jacquet en pâtisserie, Victor Moriez en cuisine ou Mathieu Quetglas en salle, des talents se sont révélés à vos côtés. Le Valrose a-t-il été une aventure humaine ?
Essentiellement et heureusement d’ailleurs. Seul on ne peut rien faire. Même si l’on n’est pas toujours d’accord et même si les chemins se séparent, l’aventure est tellement plus riche lorsque l’on forme une équipe. Chacun à sa manière, ils ont tous contribué à la réussite de la maison. Certains sont partis pour laisser la place à d’autres… c’est aussi ça la vie. J’aimerais également saluer le travail de Mathieu Maeder et François Berger qui me suivent également depuis le début de cette aventure. Ils sont très différents mais très complémentaires.

Comment voudriez-vous commenter la fin du chapitre au Valrose ?
Au vu des messages que nous avons reçus, cette nouvelle a eu l’effet d’un tremblement de terre. Ce départ est motivé par une mésentente sur plusieurs sujets. Des divergences d’idées dues à certaines incompréhensions ont justifié que l’aventure devait s’arrêter afin que chacun puisse suivre la route qui lui correspondra au mieux. Selon moi, la fin était programmée mais j’aurais aimé terminer le travail. Sans parler d’une éventuelle troisième étoile, nous étions prêts à continuer le processus créatif avec une équipe aussi soudée que motivée. Nous avons toujours été soutenus, mais pas toujours bien compris. Même si je suis fier du travail accompli, je reste quand même sur un sentiment d’inachevé.
Comment vous sentez-vous ?
Je suis sûrement passé par une phase de déni avant de réaliser et accepter cette nouvelle situation. Je suis intimement convaincu que c’est un mal pour un bien. A ce jour, j’ai plein d’idées et je suis galvanisé par ce qui se profile. Nous avons reçu beaucoup de propositions pour la suite mais je me laisse le temps de terminer convenablement le travail à Rougemont avant d’envisager la suite. Nous le devons à nos client et à toute une région qui nous a dignement accueillis.
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