Le Manoir aux Quat’ Saisons : rendez-vous manqué

Edouard Amoiel

11 août 2025

À quelques encablures de Londres, le Manoir aux Quat’ Saisons du chef Raymond Blanc est une référence gastronomique anglaise depuis plus de 40 ans. Lors de notre visite, cette institution n’a malheureusement pas tenu (toutes) ses promesses...

Le domaine du Manoir aux Quat’ Saisons est un havre de paix campagnard typiquement « British » où le classicisme rencontre une certaine forme de raffinement d’outre-manche. Perdue en périphérie de la ville d’Oxford, cette maison a entièrement été imaginée par un cuisinier précurseur en matière de potager et de notion anglo-saxonne du « farm to table » ou en d’autres termes… de la terre à la table. Elle représente la vision d’un seul homme, le chef Raymond Blanc qui, depuis plus de quatre décennies, s’est imposé dans le ciel culinaire du Royaume de sa Majesté au même titre que les autres Frenchies de la famille Roux, au Gavroche à Londres et au Waterside Inn à Bray. On ne peut que saluer la clairvoyance et l’abnégation du chef, au demeurant fort sympathique, mais force est de constater que ce charmant manoir vit sur ses acquis et maintient sa réputation grâce à son glorieux passé.

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La salle du restaurant du Manoir aux Quat’Saisons ©Edouard Amoiel

Ipad viticole

Même si le soleil peine à pointer ses rayons, cette journée de fin juillet est baignée d’une douce chaleur. La balade au milieu des potagers et des jardins de ce domaine exceptionnel est un moment de quiétude et de recueillement, qui réconcilie avec les éléments et laisse présager un dîner longtemps attendu et anticipé. Nous prenons place dans une salle imposante par le nombre de couverts pour un restaurant doublement étoilé au Guide Michelin. La carte des vins exclusivement disponible sur Ipad (paradoxe moderne dans un environnement qui cultive le passé) est un mélange de références viticoles sur-tarifées, de vieux millésimes et d’étiquettes surannées. Le sommelier, par ailleurs, néglige l’art de verser la quantité correcte de vin, se contentant de remplir rapidement nos verres pour faire de même avec les autres convives.

Le doute s’installe tout à coup. Et si nous nous étions trompés ? Et si la réputation de ce lieu tant convoité était une affaire médiatique savamment orchestrée ? Le chef est présent en salle, non pas en veste de cuisine mais en blazer bleu marine. Il s’attable dans son restaurant aux côtés de convives tout au long de la soirée. Au vu des prix pratiqués, espérons pour eux que leur repas est aux frais de la princesse (du prince en l’occurrence). Même si la scène est une pratique courante dans le monde de la restauration, elle n’en demeure pas moins surprenante par les temps qui courent.

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Les fleurs de courgettes – Manoir aux Quat’ Saisons ©Edouard Amoiel

Soufflé en hommage

Les fleurs de courgette garnies d’une farce au homard et de quelques légumes font leur apparition, et nous demeurons perplexes devant cette entrée qui, loin d’être mauvaise est, comment dire… décevante en raison du lieu, de la réputation et des prix. Le turbot poché est du même acabit. Ce poisson noble ne prend aucune hauteur marine et se prélasse dans une sorte de beurre blanc citronné bien trop liquide. Les pommes de terre ne sont pas assez cuites ni épluchées sur le côté, surmontées de quelques grains de caviar sans envergure (et absolument pas nécessaires). Hommage à la France avec un soufflé à la framboise élégant et réparateur qui a clôturé un repas sans apporter de supplément d’âme.

Il serait malvenu de ne pas saluer le travail accompli et d’être admiratif de la vision d’un chef qui a marqué l’histoire culinaire de l’Angleterre. Connu et reconnu par ses pairs, Raymond Blanc a (sûrement) réalisé son rêve sans toutefois parvenir à satisfaire le nôtre le temps de cette parenthèse gastronomique.


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