Shabour, mon amour

Edouard Amoiel

05 octobre 2021

Ouvert en grande pompe juste avant la crise sanitaire, le restaurant Shabour à Paris est un hymne à la cuisine israélienne et méditerranéenne. En version moderne et osée.

Avec la technologie ambiante, faire une réservation dans un restaurant parisien est un véritable parcours du combattant. Tout peut arriver si le sésame n’est pas confirmé par une empreinte bancaire suivie d’un appel téléphonique quelques heures avant le repas. Procédé fastidieux mais nécessaire afin de combattre le fléau des « no-shows » dus au manque d’éducation de certains clients (surtout en période de crise sanitaire où l’univers de la restauration a plus que jamais besoin d’une salle comble).  

© Edouard Amoiel

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Micmac

Arriver au Shabour avec la certitude d’avoir une réservation devient vite une désillusion quand celle-ci n’a pas été enregistrée dans le système informatique. Avec à peine vingt places assises autour d’un comptoir qui encercle une minuscule cuisine à l’activité grouillante, le restaurant est archi-complet pour les deux services. Un climat pesant s’installe. Que faire ? À qui la faute ? Le plus ennuyeux est de constater que les places les plus sollicitées – celles autour du comptoir, poumon du restaurant d’inspiration israélienne dont l’animation théâtrale mérite le détour – sont toutes occupées. Mais c’est sans compter sur l’élégance et le professionnalisme de la responsable de salle, Joséphine Chaulet, qui a su en un coup de baguette magique réparer une situation désagréable pour les deux parties et nous trouver une table… devant la fenêtre. Nous nous passerons du spectacle en cuisine mais nous sommes assis et c’est finalement ce qui compte !

© Edouard Amoiel

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Casser

Du champagne rosé nous est immédiatement servi dans une magnifique coupe en cristal d’époque qui contraste avec le décor très brut resté dans son jus du petit établissement au cœur du deuxième arrondissement parisien. En guise de prélude gourmand, c’est la diversité culturelle qui est mise en avant. Shabour casse les stéréotypes gastronomiques – d’où l’origine du nom « casser » en hébreux – et les idées culinaires préconçues. Une autre idée du voyage gourmand… En guise d’amuses-bouches, tout commence par une promenade à Jérusalem avec un bonbon de chakchouka, un gefilte fish accompagné d’une purée de carotte et de caviar ainsi qu’un atayef au foie gras, pistache et rose.

C’est la réinterprétation du clafouti parfumé au maschia (écorce de noix de muscade), déposé sur une tuile de tanzia (mélange de noix et de raisins secs), parsemé de quelques graines de fenouil, qui entame le festival avant de laisser place à la langoustine et moules à l’arak servies dans un consommé de matbucha. L’œuf mollet et son écume de tahini, un relish d’oignons, de la poutargue et des œufs de saumon sont des incontournables de la maison. A déguster pour notre plus grand bonheur en plongeant un morceau de tresse encore chaude ! Divin ! Le Borsch déstructuré, accompagné d’un homard cuit à la vapeur de vodka, de betteraves glacées, d’une crème feta-raifort, nappé d’huile d’aneth maintiennent le niveau d’originalité et de gourmandise.

© Edouard Amoiel

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Bel avenir

Après le surprenant dessert autour de l’artichaut vinaigrette et son crumble de ras el hanout, le constat est sans appel : le Shabour est un ovni décomplexé dans la galaxie food parisienne. Une réjouissance culinaire en cette reprise automnale qui confirme la bonne tenue de la scène gastronomique française. Avec une jeunesse libérée de toute forme de classicisme, extrêmement bien formée au métier et possédant une connaissance irréprochable des produits, le Shabour a un bel avenir devant lui.