Sommelier du groupe
Gagner un concours – quel qu’il soit – est toujours une étape de vie intense et riche en émotions. Est-ce pour la gloire, la célébrité, la notoriété, la reconnaissance ou tout simplement pour soi-même ? Qui sait… Fabien Mene l’a fait ! Avec son physique de gendre idéal, ce jeune trentenaire cultive la discrétion bien avant la communication. Encore fraichement auréolé de son titre de champion suisse des sommeliers, portrait d’un homme réservé qui cache cependant un tempérament de feu.
© Tristan Bronnimann
Carte blanche
C’est au restaurant Le Vallon que nous retrouvons le gagnant encore tout souriant après sa récente victoire. Récemment rénové, cet élégant bistrot de campagne est une véritable institution dans le cœur des genevois. Géré aujourd’hui par le groupe M3, l’établissement a conservé son âme et les plats traditionnels gourmands figurent toujours sur la carte, dont les succulentes cuisses de grenouille et l’irremplaçable quenelle de brochet. Alors que ses responsabilités viticoles s’étendent sur l’ensemble du groupe dirigé par Abdallah Chatila, Fabien Mene a carte blanche pour construire un univers de la vigne à part entière. Une responsabilité importante qui ne semble aucunement déstabilisé le natif de la Loire.
Fils de parents divorcés, il comprend dès l’adolescence l’importance de travailler afin de subvenir aux besoins familiaux. « J’ai rapidement développé un sentiment de revanche sur la vie » déclare-t-il. Doté d’une mémoire hors du commun, il effectue l’ensemble de ses études hôtelières en alternance. Étudiant le jour, travailleur la nuit ! « C’est un réel avantage de cumuler la connaissance théorique avec la pratique du terrain. Je le conseil à n’importe quel jeune qui débute dans le métier ». A coup de diplômes, il gravit les échelons et s’enthousiasme pour le vin lors de son apprentissage. Dans la foulée, le jeune sommelier en devenir décroche un poste d’assistant à Avignon. L’histoire viticole commence.
© Tristan Bronnimann
En 2004, il participe à une dégustation en présence d’Enrico Bernardo, Meilleur Sommelier du Monde cette même année. C’est la révélation ! Sans hésitation, il prend son courage à deux mains et lui fait suivre son CV. Quelques mois plus tard, il monte à Paris et participe à l’ouverture du restaurant Il Vino. Un concept qui va révolutionner le monde de la sommellerie et de la gastronomie puisque c’est le choix du vin qui précède le choix du plat et non l’inverse comme c’est l’usage traditionnellement. « Cette période a été humainement et professionnellement très enrichissante. Enrico sait rassembler, transmettre et a l’étoffe d’un meneur. Être aux côtés d’un tel personnage a indéniablement accéléré ma carrière ».
Paris – New York
Au sein d’une équipe de salle entièrement composée de sommeliers, le jeune commis découvre la réelle notion de compétition. A 24 ans, il décide de se donner entièrement à son travail et scelle un pacte avec son patron, celui de rester quelques années supplémentaires à Paris avant de partir à New-York. « C’était mon rêve américain » avoue-t-il. Chez la star franco-américaine Daniel Boulud, Fabien Mene intègre un milieu de sommeliers hors norme. « Même si l’approche du vin est différence là-bas, le niveau américain est très élevé et quelques fois supérieur à celui de certaines sphères européennes ».
A l’expiration de son Visa, le sommelier se dirige vers la Cité de Calvin. Son arrivée en terre helvétique est difficile, une période de remise en question et de doute s’installe. Loin de s’apitoyer sur son sort, Fabien sort la tête du moût et retrouve un poste au Mandarin Oriental à Genève où il est en charge, entre autres, de revoir la carte du restaurant gastronomique indien. « J’étais formaté jusqu’alors pour des accords classiques. Le blanc avec les poissons, le rouge avec les viandes. Dans un monde culinaire aussi aromatique et épicé, tout est remis en question ».
Après un détour par l’École Hôtelière de Glion, c’est le groupe M3 qui lui donne les clés de la cave en 2021. Le défi est aussi immense que les ambitions de son propriétaire. Salon de thé, bistrot, temaki bar, trattoria ou restaurant étoilé, Fabien Mene doit s’adapter à une palette de concepts variés. « Sans brusquer un client, il faut néanmoins tenter de le surprendre ». N’est-il pas temps de se laisser surprendre nous aussi ?
Soutenez un media culinaire indépendant
Indépendant, encore et toujours!
Dans un paysage médiatique où l’indépendance financière et éditoriale est toujours plus réduite, votre soutien nous est précieux.