Franck Giovannini, passion Crissier

Edouard Amoiel

06 mai 2025

Le chef du restaurant de l’Hôtel de ville de Crissier, Franck Giovannini, fête prochainement ses 30 ans au sein de la célèbre institution vaudoise. Un anniversaire sous le signe de la discrétion et de l’abnégation.

Quatrième cuisinier à la tête du restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, Franck Giovannini entretient la flamme gastronomique de cette vénérable institution. Meneur respecté et incontesté d’une brigade composée de la fine fleur des cuisiniers arborant toques, tours de cou noués et couteaux aiguisés, il perpétue l’excellence de la cuisine des trois chefs qui l’ont précédé : Freddy Girardet, Philippe Rochat et Benoît Violier… des noms qui résonnent, des talents qui ont franchi les frontières. Nous le retrouvons le temps d’un aparté juste après son dîner et avant la reprise du service du soir. Et pour notre plus grand plaisir, il nous donne de son temps et se confie.

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Franck Giovannini © Fred Merz | Lundi13

Travailleur acharné

Après nous avoir salués, il annonce la couleur d’emblée : « c’est la course » ! Une manière d’écourter notre entretien ? Ce n’est pas le genre du personnage qui a coutume d’entretenir des rapports humains avec simplicité et honnêteté. Nous nous retrouvons au sein d’une pièce dédiée à l’histoire de l’Hôtel de Ville de Crissier dont les murs sont tapissés d’une multitude de coupures de journaux, photos, et plans d’époque de l’établissement. Franck Giovannini en est le garant.  Se rend-il compte du chemin parcouru ? « Je n’ai pas le temps de me poser la question. Ce n’est pas toujours simple de gérer cette institution et, quelquefois je ne me rends pas compte de ce que ça représente. Heureusement que mon épouse est à mes côtés dans cette aventure ».

Ce chef de cuisine n’est pas du genre à étaler sa vie et encore moins à se satisfaire de ses succès. Tel un travailleur acharné, il n’aime pas la lumière des projecteurs et s’efforce de concentrer son énergie sur l’entente au sein de son équipe. « Je ne suis pas quelqu’un qui aime les conflits. Même si je commence à 08h00 et termine à minuit, nous avons réussi à instaurer une ambiance de travail bienveillante et décontractée pour l’ensemble de nos collaborateurs… tout en maintenant notre niveau de qualité et d’exigence ». Les jours de congé sont souvent dédiés à l’élaboration des nouvelles carte des mets et aux diverses sollicitations en lien avec la profession. Franck Giovannini ne quitte jamais vraiment le navire ; il vit Crissier, respire Crissier et aime Crissier.

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Turban de morilles et cōtes de bettes ©Hôtel de Ville de Crissier

Menus et concours

Les temps sont difficiles pour le monde de la restauration. Cette tendance conjoncturelle s’applique-t-elle à l’Hôtel de Ville de Crissier ? « C’est une réalité qui touche tout le monde et même bien au-delà de l’univers des restaurants. Même si nous avons constaté un léger ralentissement en début d’année, nous avons la chance d’avoir une clientèle d’habitués très fidèle et très locale ». Hors de question pour lui de réduire la carte des mets, d’instaurer un menu exclusif, ni même de diminuer le nombre de service ou la masse salariale. « Nous faisons partie des rares restaurants triplement étoilés au Guide Michelin à faire encore dix services par semaine avec deux différents menus rythmés par cinq saisons et un troisième menu chasse à l’automne ».

Malgré le temps qui passe et les modes qui changent, Crissier reste fidèle à ses valeurs et à son histoire. Alors que la maison fête cette année ses 70 ans, il se murmure qu’un menu exceptionnel se prépare, composé de sept plats, chacun ayant été élaboré au cours d’une décennie. Un exploit ! Passée la cinquantaine, Franck Giovannini est plein d’admiration à l’égard de la jeunesse qui travaille à ses côtés. « J’aime voir cette énergie et cet engouement au sein d’une cuisine. Chaque génération a quelque chose à apprendre à l’autre. Actuellement, il y a trois jeunes qui passent des concours au sein de ma brigade. Je suis très fier de mon équipe ».

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Hôtel de Ville de Crissier ©Marcel Gilliéron

Un jour, la transmission

Cette parenthèse de vie en aparté est passée en un battement de cils… comme tout bon moment. Nous aurions pu discuter des heures. Franck Giovannini est en phase avec sa vision d’une gastronomie libre, généreuse et enjouée. Heureux jusqu’au bout de sa toque, ce chef de cuisine continue de s’épanouir dans son quotidien tout en pensant néanmoins à la suite. « Le mot transmission ne doit surtout pas être un tabou. Je trouve au contraire très sain d’en parler et de songer qu’un jour viendra où il faudra écrire les prochains chapitres. Même si pour le moment je suis bien à ma place, une passation de flambeau se prépare longtemps à l’avance. Qui plus est au restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier ». Que l’on se rassure, nous avons encore le temps…