Camille Grange, la force tranquille

Edouard Amoiel

11 février 2025

Camille Grange, fondatrice des restaurants La Micheline et Gigi Cucina & Bar, endosse plusieurs casquettes, celle de patronne, comme celle de restauratrice et de femme. Lorsque responsabilité rime avec humanité. Lorsque vision rime avec abnégation.

Cinq ans ! Le croyez-vous… la Micheline et Gigi Cucina & Bar vont prochainement fêter cinq années d’existence. Quel chemin parcouru depuis l’ouverture en pleine crise sanitaire ! Quelle belle histoire écrite dans ce quartier flambant neuf récemment sorti de terre ! Quel duo magnifique et indissociable formé avec le chef Andres Arocena qui supervise les cuisines des deux restaurants. Camille Grange mène ses deux restaurants d’une main de maître dans un gant de velours et force le respect et l’admiration. Car malgré une route semée d’embuches, cette diplômée de l’École Hôtelière de Lausanne a réussi son pari et trace son chemin avec autant de panache que de passion. Rencontre avec une entrepreneuse aussi sérieuse qu’attachante.

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Camille Grange ©Studio PAW!

Déjà 5 ans de restauration. Comment allez-vous ?

« Je suis très heureuse d’avoir trouvé un bon rythme de croisière avec Andres. Je trouve qu’il n’y a rien de pire qu’un restaurant sans identité ; nous avons réussi à ce que les deux établissements aient leur propre identité. Après des périodes difficiles, je crois que nous avons atteint un équilibre. Et c’est une grande fierté pour nous. Nous savons d’où nous venons, où nous sommes et où nous souhaitons aller ».

Malgré le temps, êtes-vous toujours aussi passionnée ?

« Oui, de plus en plus. Avec le temps, j’arrive aussi à prendre un certain recul. Même si le quotidien reste compliqué et éreintant, la motivation est intacte. Si ce n’était pas le cas, il faudrait que je change de métier. Sans une bonne équipe stable et fidèle, la vie de tous les jours serait encore plus difficile. Nous avons la chance d’avoir de très bons éléments au sein de notre effectif. Cette stabilité contribue à entretenir cette passion ».

La Micheline est devenue une référence à Genève. Avez-vous été surprise par l’engouement suscité par votre restaurant ?

« Surprise par l’engouement, non ! Enjouée et reconnaissante, oui ! Comme toute l’équipe, j’ai en revanche été étonnée par la rapidité de l’obtention de l’étoile décernée par le Guide Michelin en 2022 après seulement un an et demi d’exploitation. Cependant, j’ai toujours été admirative de la prise de liberté culinaire d’Andres. Au début, j’avais une position plus conservatrice à l’égard de ses choix gastronomiques. Je craignais un manque de tolérance de la part des clients genevois envers son style de cuisine. Il fallait être téméraire et au fil du temps, il a pris cette liberté basée sur la créativité. En finalité, le temps nous a donné raison ».

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Camille Grange ©Studio PAW!

Comment vivez-vous votre rôle de femme patronne ?

« Franchement, au début c’était très difficile. J’avais à peine 25 ans lorsque j’ai ouvert les deux restaurants. En tant que femme, il faut encore plus faire ses preuves. C’est un métier masculin ; avec le temps et en gagnant un peu d’assurance, il faut s’imposer et se faire entendre. Actuellement, ce n’est plus un problème. Le fait que de plus en plus de femmes font partie du monde de la restauration contribue à notre réussite commune. Nous sommes un petit groupe de restauratrices et nous nous soutenons mutuellement à travers une petite association. J’en profite pour les saluer et les remercier ».

Le recrutement et la main d’œuvre restent compliqués. Comment faites-vous pour fidéliser vos collaborateurs ?

 « Par la bienveillance, le respect et l’honnêteté, sans aucun doute. Cela a toujours été ma manière de fonctionner et paradoxalement de me faire respecter. Je pars du principe que dans la mesure où une relation est réciproque – qu’elle soit personnelle ou professionnelle – elle ne peut qu’être positive. Il faut aussi savoir laisser de la place et faire confiance. Un employé épanoui et en confiance saura indéniablement retransmettre sa bonne humeur et son bien-être au client. Cela ne marche pas à chaque fois mais c’est ainsi que je fonctionne ».

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La Micheline ©Studio PAW!

Présent à vos côtés depuis le début de l’aventure, comment pourriez-vous décrire votre relation avec le chef Andres Arocena ?

« Je le vois plus que mon époux ! (rires) Depuis plusieurs années nous sommes sur le même pied d’égalité. Andres est libre à 100% en cuisine et je suis libre à 100% en salle et en ce qui concerne la gestion. Nous nous connaissions avant la création des restaurants donc le côté amical et la touche d’humour a toujours été présente, mais il a fallu néanmoins apprendre à travailler ensemble. Nous avons la chance d’avoir pu trouver notre équilibre en étant extrêmement complémentaires. Nous sommes obligés d’être honnêtes l’un envers l’autre… sinon cela ne peut pas fonctionner. En définissant nos responsabilités, chacun a su prendre sa place ».

Que pouvons-nous vous souhaiter ?

« Du succès, du plaisir, des nouvelles aventures gastronomiques et surtout des gens passionnés. Il est difficile de recruter des talents et conjointement c’est tout aussi difficile d’attirer de nouveaux clients et de les fidéliser. Impossible de nous endormir sur nos lauriers. Chaque jour est différent et c’est une des choses qui me plaît le plus dans mon métier ».