Disparition de Bruno de Lorgues

Edouard Amoiel

29 janvier 2025

Dans son restaurant Bruno à Lorgues, le chef Clément Bruno a voué toute sa vie à cuisiner la truffe. Il vient de s’éteindre et rejoint la constellation des cuisiniers étoilés.

Figurez-vous que c’est le premier restaurant gastronomique où je suis allé en compagnie de mon grand-père et de ma mère lors d’un déjeuner d’été. Je m’en rappelle comme si c’était hier. J’étais jeune et je me remémore ce périple culinaire et gourmand avec nostalgie en pensant à celui qui m’a transmis l’amour de ce beau métier qu’est la restauration et qui me regarde depuis tout là-haut dans le ciel. Bien des années plus tard, je suis retourné Chez Bruno à Lorgues afin d’interviewer pour le journal Le Temps le patron des lieux aux côtés de ses deux jeunes fils Samuel et Benjamin. Le premier était en salle et le deuxième derrière les fourneaux… ils y sont toujours. Après la lecture de l’article, Clément Bruno avait pris la peine de me téléphoner afin de me remercier. Peu de gens le font, son geste m’avait touché.

Sa vie aurait pu être un roman qui aurait sûrement laissé des traces. Guerre, famine, pauvreté mais rien ne sera aussi dur que l’abandon d’un père. Cet autodidacte des fourneaux se forge un caractère et apprend la cuisine ménagère auprès de sa grand-mère. Il sait recevoir et commence avec quatre tables mais les débuts sont difficiles. Il lui faudra 10 ans avant que la magie opère autour du diamant noir. Aujourd’hui ses fils reprennent le flambeau et la maison continue de rayonner au sein de la sphère gastronomique hexagonale. Toujours avec cette humilité qui le caractérisait, j’ai déjeuné au restaurant après l’avoir interviewé et il m’a dit la phrase suivante : « Je vous laisse, Monsieur, nous allons manger les restes d’hier et je compte sur vous pour manger les fraîcheurs d’aujourd’hui ». Un grand Monsieur s’en est allé…