Le Coquillage, au rythme des marées !
Il est des maisons où le temps semble s’arrêter, où l’on franchit le seuil comme l’on franchit une frontière intérieure. À Cancale, Le Château de Richeux est de celles-là : une magnifique bâtisse trônant face à la baie du Mont Saint-Michel, tournée vers le large, arrimée à cette falaise bretonne tel un phare indomptable. Dans ce lieu si chargé en énergie, le chef Hugo Roellinger, prolonge la dynastie familiale initiée par son père Olivier sans jamais répliquer l’histoire culinaire. Les épices du monde entier sont bien évidemment représentées et les acteurs de la mer élevés au rang d’icône des profondeurs tandis que la partition gastronomique a subtilement évolué. Immersion dans un environnement libre, apaisant, qui respire la sincérité.

Rituel rassurant
Le rituel débute dans le salon bibliothèque proche de la salle à manger en bois. Le sol craque, les lumières sont tamisées au gré des couleurs du ciel et nous prenons connaissance des choix viticoles qualitatifs d’une carte des vins correctement tarifée. Après le choix d’un premier flacon, nous nous dirigeons vers le restaurant intimiste, protecteur et feutré. Du côté de la salle, le personnel porte un bleu de travail et un pantalon noir. Signe d’une rigueur hôtelière maîtrisée, appliquée avec souplesse. Un service sans raideur, tel un ballet discret, laisse parler la table et la mer.
Le premier plat surgit comme une confidence : une huître accompagnée d’un jus et granité de melon breton portés par une vinaigrette tagète et passion. L’été perdure. La dorade prend le relais, saupoudrée de sumac, accompagnée d’un condiment de mûres sauvages et de yuzu dans lequel on vient tremper les fines lamelles de poisson. En garniture dans une tartelette, un assortiment de fleurs fraîchement cueillies du jardin, quelques crevettes rehaussées par un condiment de pollen, le tout recouvert d’une mousseline légère au sureau et poudre d’algue qui nous fait chavirer le cœur.

Big-bang sensoriel
Pour suivre, un effiloché de calamars associé à du caviar et un jus beurré et citronné d’une finesse inouïe. Un vrai poème ! Rien d’ostentatoire, mais un frisson de justesse : la texture, le sel, l’acidité, la vivacité. Le grand classique de la maison nous fait l’honneur de sa présence avec le homard recouvert des sucs de cuisson et parsemé d’une poudre de mangue verte, servi avec une sauce au cacao et au vinaigre de Xeres. Brillant !
La glace à l’algue laminaire, quant à elle, est recouverte d’un râpé de Saint-Jacques fumées et maturées pendant un an, une quenelle de caviar d’aquitaine, un effiloché d’algue kombu sur le dessus et une sauce au caramel beurre salé. Les mots me manquent presque ! A ce stade et juste le temps d’une parenthèse, la Bretagne devient plus qu’un décor de carte postale, révélant un émotionnel gastronomique qui, au-delà de l’image, prend le dessus sur tout le reste. Terre, mer, minéral, végétal… tout s’enchaîne, tout se bouscule tel un big-bang sensoriel. Ici le luxe n’est jamais démonstratif. A quoi bon lorsque l’élégance prédomine. Nous terminerons cette odyssée apaisés, éveillés, l’esprit régénéré par le vent et la lumière.
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