La Pinte lui va si bien !

Edouard Amoiel
13 septembre 2022
Le chef Nicolas Darnauguilhem a repris les fourneaux de la séduisante Pinte des Mossettes depuis une année déjà. Un défi de taille qu’il relève avec une cuisine sensible, en respectant au plus près les éléments qu’il affectionne.
L’ensemble des néophytes gourmands en quête de bonnes tables vous le diront : aller jusqu’à la Pinte des Mossettes est un voyage en soi. Non pas des plus désagréables, mais la quête du bon goût passe dans ce cas par un itinéraire montagnard verdoyant et légèrement sinueux. Elle se mérite, cette Pinte ! Et c’est tant mieux. Comme si l’inaccessibilité des lieux décuplait l’effervescence d’un déjeuner. En plus d’être charmant, ce restaurant est vivant. Des énergies positives se dégagent de cet endroit hors du commun, si loin du quotidien citadin. Cet environnement est propice au calme pour le chef Nicolas Darnauguilhem qui troque le bitume genevois pour les sommets fribourgeois. Sage décision, la Pinte lui va si bien !
© Edouard Amoiel
Les cuisiniers en salle
À l’arrivée, un imposant monticule de bûches est soigneusement ordonné en guise de rempart. Il suffit de pousser une porte intégrée dans cette fortification boisée pour entrer dans le royaume. Tel un totem protecteur, l’immense marronnier trône fièrement sur la petite esplanade aménagée en terrasse. Alors qu’un léger vent se lève, les amuse-bouche se dégustent dans ce havre de paix campagnard. Pour le plus grand plaisir des convives, ce sont les cuisiniers qui amènent en salle cette farandole gourmande. Qui mieux que les créateurs, pour directement décrypter les plats conçus ? Une tuile de polenta avec un condiment tomate-miel et sa fleur de fenouil ouvre le bal avant de laisser place au rouleau de potimarron encoffrant un ciselé de bœuf à la poire à Botzi et raifort.
Nicolas Darnauguilhem n’est pas du genre à se faciliter la tâche. Perfectionniste jusqu’à la pointe de ses couteaux, il délivre une partition de toute beauté en totale adéquation avec sa personne, sa philosophie culinaire et la nature environnante. Alors qu’un pain de seigle, deux beurres fermiers et un fromage de tête viennent décorer la table, c’est la betterave confite toute la nuit qui est servie avec un élixir à la graine de courge et une autre à base de pavot… rehaussée de verjus. Un apport doux et fruité. Les nouilles de blé et de sarrasin froides surmontent un lit d’aubergines cuites au barbecue, mariné avec des champignons fermentés et miso. La sauce est un bouillon qui reprend les aubergines et les champignons, le tout arrosé d’un filet d’huile de noix et de quelques agastaches afin d’ajouter une touche anisée et mentholée. Sublime.
© Edouard Amoiel
Pastèque et poivron
Côté poisson, c’est la truite saumonée qui est mise à l’honneur par le chef et sa brigade. Confit dans de l’huile de colza, recouvert par des pétales de fleur du jardin, la sauce est détendue avec du fromage sérac et shiso (mélange entre de la menthe et du basilic). Un plat gracieux qui démontre une nouvelle fois tout le talent de Nicolas Darnauguilhem. En guise de final salé, le chef propose un morceau de bœuf cuit à la braise, surmonté d’une tempura d’orties, de quelques lamelles de navet quasi cru et d’un jus condensé de poireaux, livèche et origan. Une création élégante qui ensorcelle et interpelle. C’est la pastèque et le poivron qui viennent parachever cette odyssée (très peu) sucrée. Tout en légèreté et en finesse avec une glace fruitée et une crème double de Gruyère.
Aussi apaisé qu’enjoué, Nicolas Darnauguilhem semble enfin avoir trouvé son oasis gastronomique et une certaine forme de paix intérieure. Longtemps incompris lors de son passage par la Cité de Calvin, il renoue avec sa débordante créativité au milieu des pâturages et des sommets bientôt enneigés. Une plénitude culinaire émane de son menu qui met en lumière la localité et la saisonnalité. Quel plaisir de voir ce talentueux cuisiner en phase avec sa nouvelle vie !
La Pinte des Mossettes, 8 route des Ecehelettes, 1654 Cerniat. Téléphone : +41 26 927 20 97