Erreur de casting

Edouard Amoiel
27 avril 2022
L’ex-candidat de Top Chef, Jean-Hedern Hurstel, a quitté soudainement les rives du lac Léman pour le bord de mer du village de Saint-Tropez. Une leçon à retenir pour tout cuisinier pensant que Genève est un eldorado facile à conquérir.
Le chef au col bleu-blanc-rouge, Claude Legras, lui avait pourtant laissé les clés d’une maison qui jouissait d’une excellente réputation. Au fil des saisons, ce chef au caractère bien trempé s’était taillé une solide réputation dans le monde des toques romandes. Longtemps doublement étoilé au Guide Michelin, Claude Legras savait, sait et saura toujours cuisiner ! Après plus de deux décennies derrière les fourneaux de ce temple de la gastronomie genevoise, le Meilleur Ouvrier de France décide de raccrocher son tablier en 2020 et tire sa révérence non sans émotion.
© Le Floris
Top Chef
Avec une vue imprenable sur le lac Léman et une terrasse panoramique à couper le souffle, le Floris a vraiment tout pour plaire. Malgré ces atouts, son emplacement loin du centre-ville représente un challenge pour la restauration moderne. Lionel Roques, nouveau propriétaire des lieux, désireux de redonner vie au restaurant et raviver la flamme des fourneaux, décide de faire venir le cuisinier Jean-Edern Hurstel début 2021 afin d’insuffler un vent de modernisme à son nouveau navire culinaire. En dépit d’avoir participé à la cinquième saison de Top Chef, le parisien est inconnu du public genevois (et du reste le restera). Après avoir opéré d’importants travaux de rénovation et lancé la refonte de deux espaces de restauration distincts, il ne manquait plus qu’à…
Jean-Edern Hurstel est annoncé en grande pompe. Les médias se précipitent, les réseaux s’affolent et les influenceurs s’empressent d’accourir à l’occasion de dîners organisés (et donc gratuits). Comment déclencher une telle ferveur autour d’un cuisinier qui n’a encore rien prouvé sur le sol genevois ? Où sont donc passés le respect des fondamentaux d’un métier si difficile nécessitant d’incalculables sacrifices ? L’humilité, la discrétion et la constance sont la base : trois qualités que Jean-Edern Hurstel a laissé en chemin lors de son passage en terre helvétique.
© Le Floris
Beaucoup de bruit pour rien
Ces quelques lignes ne sont pas réjouissantes. Car même si l’arrivée de Jean-Edern Hurstel a fait grand bruit, ce sont des chuchotements à voix basse qui ont ponctué son départ ; sans compter les dommages collatéraux subis par l’établissement et les employés. Des hommes et des femmes qui ne publient point leurs déplacements sur les réseaux sociaux, que ce soit sur le Circuit de Formule 1 à Monaco ou les gradins de Roland-Garros, à peine quelques semaines après l’ouverture, contrairement au cuisinier en exode. Ce dernier a même été l’égérie d’une marque horlogère de renom comme le sont Usain Bolt ou Dwayne Wayde ; quelle erreur de casting ! L’horlogerie ne partage-t-elle pas les mêmes valeurs que la cuisine : précision, technicité, minutie et… discrétion ?
Sur une note positive, le chef Philippe Audonnet débarque à la rescousse pour sauver la barque à la dérive. Ancien patron des cuisines de l’Hôtel d’Angleterre puis du Café des Banques avant l’arrivée de Yoann Caloué, il relève le challenge et accepte le défi Floris. Souhaitons-lui bonne chance ! Jean-Edern Hurstel, quant à lui, a quitté la cité de Calvin par la petite porte. Que cette histoire serve de leçon à ceux qui pensent que Genève est une fille facile ! Détrompez-vous ; c’est une femme de goût qu’il faut courtiser, séduire et aimer avec tact, élégance et passion. Sa clientèle est exigeante, passionnée par la cuisine et voyage énormément ; Genève est l’une des villes les plus complexes en matière de restauration. Les vrais professionnels le savent depuis longtemps !