Jacopo Romagnoli revient au Gallo

Edouard Amoiel

14 janvier 2025

Le chef Jacopo Romagnoli a ouvert son restaurant Gallo juste avant les fêtes de fin d’année. Lorsqu’un phénomène des fourneaux reprend une institution genevoise.

Nous avons été patients mais l’envie de découvrir le nouveau repaire gourmand de Jacopo Romagnoli était trop forte. Quelques semaines après l’ouverture, pousser la porte de Gallo au 26 boulevard du Pont d’Arve devenait une nécessité. Certes l’ancien chef du Café de la Plage s’est approprié les lieux, mais une fois le seuil franchi tous les souvenirs de jeunesse qui nous rattachent à l’Universal ont ressurgi en un instant et le fait de revoir cette arcade si chère aux genevois renaître de ses cendres a procuré une satisfaction indéniable. C’est aux côtés de ses associés, Tania Valenzuela Suárez et Louis Sauzay, que Jacopo Romagnoli a pu mener le projet à terme. Alors sans plus attendre, découvrons ce théâtre d’inspiration franco-transalpine qui promet de faire chavirer les cœurs et charmer les gourmets.

Dsc08459
La philosophie gastronomique du Gallo ©Studio Créatif PAW

Bocuse, Bourdain et l’Inter

L’esprit de l’ancien Universal est présent sans être imposant tandis que les détails mis en avant par les nouveaux maîtres des lieux sont perceptibles. Le plaisir de recevoir se ressent. La salle a subtilement perdu de son ancienneté et affiche un air de nouveauté. La cuisine est le domaine protégé du chef Jacopo Romagnoli. Cet espace intime, où la braise crépite, les casseroles bouillonnent, les poêles rissolent et où l’intensité est parfois à son curseur maximum, demeure le royaume de cuisinier hors pair. Une figurine d’Adriano, joueur star de l’équipe de foot de l’Inter de Milan trône sur le passe de la cuisine. Le chef est un fan de la première heure.

Des portraits de Paul Bocuse et Anthony Bourdain sont accrochés sur les murs. Le premier fut le cuisinier du siècle au col bleu-blanc-rouge arborant un tatouage du coq français sur son épaule gauche ; le deuxième fut l’ancien cuisinier devenu journaliste gastronomique au franc parlé et au verbe enjoué malheureusement parti bien trop tôt. Un message à faire passer ? Celui de ne faire aucune concession pour le bon et le beau. Celui « d’emmerder » les détracteurs malveillants. Celui de s’épanouir sans retenue à travers son art. Celui de vivre chaque seconde de la vie comme si c’était la dernière…

Dsc08437
La salle du restaurant Gallo ©Studio Créatif PAW

Cuisine engagée et engageante

Nous prenons place. Les lumières sont tamisées et une douce musique de salsa va rythmer notre dîner tout au long de la soirée. Une brioche de crabe, surmontée de chou grillé, rehaussée d’une vinaigrette à l’oursin, le tout recouvert de poutargue, assume son rôle de prélude gastronomique engageant et engagé. Une mise en bouche intrigante qui entremêle une multitude de saveurs ainsi qu’un jeu de textures pertinent dans une version ouverte et éloignée du sando japonais.

Le tartare de crevettes sauvages aux agrumes et sa crème mousseuse relevée au safran joue la carte de l’élégance où prédomine un goût iodé assumé. S’ensuit un moment gourmand par excellence lors de la dégustation d’une Royale de comté, agrémentée d’une merveilleuse sauce au vin jaune. La sortie de la truffe vient parachever cette beauté automnale. Les premières séquences d’une carte des mets réfléchie dessinent les contours de la cuisine d’un chef désireux de sortir de ses précédents chemins gastronomiques pour s’en aller vers d’autres sentiers gustatifs.

Img 3441
Rouget sauvage à la braise ©Edouard Amoiel

Aucune concession

La côte de bœuf maturée 60 jours est bien tentante, mais nous optons finalement pour un magnifique rouget sauvage cuit sur la braise. La peau est quadrillée et la chair du poisson reste ferme comme il se doit. Les garnitures sont des plus alléchantes (hommage aux frites aux triples cuissons) auxquelles aurait pu s’ajouter une création autour du riz afin d’épouser dignement une superbe sauce concentrée de carcasses de crustacés. Et pour terminer, une salade de puntarelle relevée aux anchois vient escorter un délicieux morceau de fromage.

Jacopo Romagnoli délivre une partition gastronomique déterminée où l’audace et l’engagement vont de pair avec de grandes techniques et connaissances culinaires. Le message est- il passé ? Oui… aucune concession est faite autour des produits. Oui… Jacopo est épanoui au sein de ce nouveau temple gourmand (et ce n’est que le début). Mention spéciale à l’équipe de salle orchestrée par le duo d’associés qui accompagne ce chef talentueux. Alors oui, prenez sans hésiter la direction du 26 boulevard du Pont d’Arve…