L’artiste du Bombar

Edouard Amoiel

01 juin 2022

Depuis son ouverture, Victor Freiburghaus officie derrière les fourneaux du très couru Bombar à Genève. Un jeune cuisinier talentueux qui entretient la discrétion afin de mieux exercer sa passion.

Il a des « yeux revolver » ; non pas de ceux qui lancent des éclairs lorsque la pression monte mais plutôt de ceux qui vous regardent bien en face. Victor Freiburghaus n’est pas quelqu’un de bavard, il choisit ses mots d’un ton posé et réfléchi. Arborant un tablier bleu en guise de costume de travail, il se laisse guider au fil d’un entretien aussi plaisant que surprenant sans pour autant maîtriser l’exercice journalistique. Ce cuisinier, dont la carrière n’en est qu’à ses balbutiements, semble bien dans sa toque… et même si cette tenue était l’apanage des chefs de cuisine, la nouvelle génération préfère troquer les traditionnels sabots contre des baskets plus branchées ! Partons à la découverte du chef qui fait valser les plats du Bombar avec une déconcertante créativité.

© Bombar

Cuisinier canalisé

Issu d’une famille qui n’avait pas la fibre hôtelière, Victor Freiburghaus n’en demeure pas moins un passionné par nature. Genevois de cœur, il se remémore avec émotion les tranches de veau à la crème accompagnées d’un risotto que préparait sa grand-mère paternelle. Dès l’obtention de son baccalauréat, son côté rebelle le pousse à se réfugier dans l’univers des casseroles. « Je n’aurais jamais pu accepter de rester enfermé toute la journée dans un bureau. Le métier de cuisinier me canalise et développe ma créativité au quotidien ; je me sens libre ». Son cursus à l’École Hôtelière de Genève lui fait prendre conscience des combinaisons infinies qu’entraîne la transformation d’un produit. Un terrain de jeu créatif qui ravit le jeune apprenti.

S’ensuit une série de stages tous plus prestigieux les uns que les autres au cours desquels il puise les savoirs et les techniques culinaires des grands chefs. Son périple parisien aux côtés du chef Éric Frechon, dans les cuisines du restaurant triplement étoilé L’Épicure au sein de l’hôtel Bristol, le marque au fer rouge et lui apporte les bases culinaires nécessaires pour atteindre une certaine forme d’excellence à la Française. « Dans ce type d’établissement, l’accessibilité aux produits est hors-norme et permet de pouvoir les travailler dans la plus pure tradition ».

© Bombar

Tacos cochinita

En cette après-midi quasi estivale, un envoûtant fumet se répand dans la salle du restaurant. Pendant que nous prenons place au bar, des épaules de cochon mijotent depuis plus de douze heures. Effilochée comme il se doit, la viande vient garnir des tacos pour le service du soir, accompagnés d’une salsa verde, de quelques piments et des pickles d’oignons rouges. Cet intitulé résume en tout point la philosophie culinaire du chef et du lieu : une cuisine résolument moderne où la tradition gastronomique est assumée, où la localité est une préoccupation primordiale et le respect des saisons une priorité. « Quel que soit le style de cuisine, impossible qu’elle soit bonne sans en connaître les bases ». Au Bombar, pas d’asperge en été ni de tomate en hiver. Le culte du produit est au cœur de la démarche de Victor et de son associé Marc Popper, créateur et patron des lieux. Un filet de fera est élevé au même rang que de la truffe noire. Quelle que soit la noblesse du produit, le soin apporté à sa préparation est identique ; le plaisir est total et n’est pas près de s’arrêter !