Sensations à la Jonction
Edouard Amoiel
17 octobre 2023
Fermentation, extraction, concoction, macération et réduction… l’Artemisia est une surprenante déflagration de sensations.
Faire encore des découvertes à Genève me rassure ! Ces moments hors des sentiers battus me permettent de partir à la recherche de restaurants insolites se frayant un chemin au sein du microcosme gastronomique local ambiant. Dénicher des perles maintient l’ouverture d’esprit vers le monde et vers les autres. Alors que les habitudes et les rituels font inlassablement partie de notre quotidien, le voyage (même dans sa propre ville) est une source intarissable d’inspiration et me conforte dans l’idée que Genève n’a jamais été aussi culinairement passionnante.
Ambiance brocante
C’est au détour de la rue du Stand que mes écrits me mènent. Après avoir longé le Palladium – me replongeant dans un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître – je (re)trouve les récentes constructions qui affrontent dignement celles se situant sur le Quai du Sujet. Guerre des genres et des styles architecturaux genevois dans toute leur splendeur. Au milieu de l’écoquartier de la Jonction se cache l’Artemisia, œuvre du chef Eugen Ulko. Séquence découverte.
C’est en arrivant tôt dans un restaurant que l’on peut s’imprégner de ses énergies, regarder un service qui commence et admirer (ou pas) la mise en place prendre forme. Il s’agit d’un théâtre avec de merveilleux acteurs qui rejouent une pièce devant des spectateurs avides de sensations fortes. Avec une cuisine ouverte sur une salle intimiste et chaleureuse, le lieu à des airs de brocante, où chaque élément semble avoir été chiné avec soin. Mi-ordonnée mi-brouillon, cet espace est un mélange des genres qui ne laisse pas indifférent.
Sparassis crépu
Du côté des fourneaux, le chef Eugen Ulko semble, en cette soirée, un brin agité. Alors qu’un menu nous tend les bras, nous ne nous laisserons pas décontenancer par ses énergies nocturnes. Le pain fait maison vient embellir la table, c’est l’amuse-bouche autour du champignon Sparassis crépu qui ouvre le bal avant de laisser place à un fromage de chèvre accompagné de myrtilles sauvages lui octroyant une couleur légèrement violacée.
Saison automnale oblige, le chef propose des bolets orangés qu’il affectionne particulièrement et les prépare traditionnellement sautés et crus, escortant un œuf mollet de la ferme de Lignon. Alors qu’une aubergine recouverte de fines lamelles de tomates et surmontant un coulis dans l’esprit d’un gaspacho vient nous rappeler que l’été n’est peut-être pas tout à fait terminé, c’est la viande confite, purée et groseille au sel qui confirme que nous avons officiellement changé de saison. Merveilleuse gourmandise.
Désorienté…
Que dire de ce dîner ? Nous sommes ressortis de chez Artemisia déboussolé, presque désorienté. Alors que le talent du chef est indéniable, ses humeurs ce soir-là ont quelque peu terni notre moment. Nul besoin de lui en tenir rigueur, mais difficile de ne pas le souligner. Néanmoins, Eugen Ulko propose une cuisine déroutante et savante à la technicité évidente et envoûtante. Avec une carte des vins des plus nature, il faudra revenir plus sereinement chez Artemisia.
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