Qui l’eût cru ?

Edouard Amoiel

15 novembre 2023

Après avoir mis en avant les pièces de viande maturées sous l’ère de l’Esquisse, Fabian Affentranger, exalte les mérites du poisson cru et de la pasta avec son restaurant Crudo 7.

Même lieu, quasi même déco, carte des mets différente sous l’impulsion d’un nouveau chef. L’article pourrait presque s’arrêter là si votre serviteur n’était pas aussi soucieux des détails. Peut-on parler de restauration moderne ? La clientèle se lasse-t-elle aussi rapidement d’un restaurant ? Faut-il moduler l’environnement d’un établissement afin de correspondre aux tendances du moment ? Habitué des changements conceptuels dans son vaisseau mère Chez Calvin, Fabian Affentranger adapte le même principe chez son petit frère des Eaux-Vives. Après le buzz de l’ouverture, prenons le temps de découvrir Crudo 7… 

Crudo 7 ©eamoiel
Crudo 7 © Edouard Amoiel

Taulier moderne

Soyons clair : Fabian Affentranger a la restauration dans la peau ! Il suffit de le voir se mouvoir au sein d’un de ses établissements pour comprendre que le sens de l’accueil et du service coule dans ses veines. Tel un aubergiste des temps moderne, il reçoit avec art et raffinement tout en respectant les codes de « maître des lieux » à la perfection. Après avoir fait venir la carte des mets du chef Eyal Shani en mode cuisine israélienne Chez Calvin (concept qui devrait perdurer tout au long de la période hivernale), il réédite l’expérience avec le chef Marco Garfagnini en version italienne. Une approche qui ne peut que séduire une clientèle genevoise toujours avide de gastronomie transalpine. 

Alors que l’automne nous fait enfin l’honneur de sa présence, c’est au sein du cadre élégant du 7 rue du Lac que nous prenons place le temps d’un déjeuner gourmand. Les nappes blanches sont de sortie et les tables plus espacées qu’auparavant. Nous avons envie de flâner, discuter, déguster et prendre notre temps. Les lieux s’y prêtent et le temps à l’extérieur nous y encourage. Un choix de plusieurs huiles d’olive se présente à nous comme une diabolique incitation à plonger son pain dans cet élixir jaune soleil. 

Crudo 7
Assortiment de Crudo chez Crudo 7 © Edouard Amoiel

Sériole, saumon et thon

Pour notre plus grand bonheur, les crudos s’enchaînent dans un esprit de partage. Ce sera la sériole coupée en lamelles et plongée dans une vinaigrette acidulée au yuzu. Ce sera le saumon nappé d’une sauce puissante à la moutarde douce. Ce sera le tartare de thon rouge rehaussé d’une envoûtante sauce au ponzu. Italie ou Japon ? Mon cœur balance tandis que le carpaccio de poulpe au piment doux séduit par son équilibre de saveurs et de textures. Dommage qu’un carpaccio de bœuf dans le style du Harry’s Bar à Venise ne soit pas de la partie en ces températures décroissantes. Qui sait… peut-être lors d’un changement de carte ? Honneur à la pasta… et au risotto lors de la dégustation des linguine alle vongole – déjà incontournables – et du risotto aux bolets si réconfortant. Cuisson maîtrisée, portion respectée, garniture enjouée… 

Au même titre que sa remarquable notion de service, Fabian Affentranger et son Crudo 7 réussissent à nous séduire avec élégance. Dans un univers où les standards d’accueil se perdent au profit de la standardisation technologique, le jeune patron des lieux fait une nouvelle fois exception à la règle. Un rôle qui lui va à ravir et qui permet à ce restaurateur d’écrire de réjouissants chapitres dans le monde de la gastronomie genevoise.