Naturellement vôtre
Edouard Amoiel
23 septembre 2023
Un trio gagnant fait de nouveau rayonner le restaurant Natürlich à la rue de la Coulouvrenière. Mets travaillés, service aiguisé et carte de vins vampée.
Il m’en aura fallu du temps pour revenir au restaurant Natürlich. Comme s’il fallait conjurer le sort de ses précédents locataires. Comme s’il fallait faire table rase du passé pour mieux apprécier le présent. Il était temps d’avancer, de ne plus regarder en arrière et de surtout avoir confiance en les capacités d’un trio de grands professionnels, désireux de bien faire et de faire du bien. Il fallait leur laisser le temps de prendre possession des lieux, de digérer l’histoire et de trouver leurs marques. Quoi de plus normal que de prendre le temps afin de mieux considérer les acteurs qui nous enchantent de leur talent ? C’est l’histoire d’un restaurant qui ne s’avoue jamais vaincu et qui continue d’écrire une belle histoire gourmande.
Trio gagnant
Natürlich a toujours été une histoire d’hommes. Pour ses débuts, un enfant prodige tatoué et rebelle revient dans son pays d’origine tout feu, tout flamme. Le soufflé Pierre Jancoud n’aura même pas eu le temps de (dé-)souffler. Après une période de déshérence, c’est le jeune talent Jonas Bolle qui reprend les fourneaux et signe de dignes symphonies culinaires pleinement en ligne avec les énergies du lieu. On croyait à un long opus, la partition gastronomique ne s’éternisera pas non plus.
Depuis quelques mois, c’est une nouvelle tribu qui ensoleille le restaurant de la rue de la Coulouvrenière. En salle, le sommelier Giuliano Frassineti a intelligemment dynamisé une carte des vins avec des noms de domaine viticole de référence ; Mikulski en Bourgogne, Tatasciore à Neuchâtel ou encore Valentini dans les Abruzzes… pour ne citer qu’eux. Mais pas seulement, ce talent de la grappe propose de surprenants vins au verre à l’image d’un vin blanc de la maison Tenue di Castellaro en Sicile à base de cépages Carricante et Moscato. Maître d’orchestre sérieux à l’attention vive et aux gestes précis, Ilias Tanoudis dirige sa salle avec enthousiasme et vivacité.
Façon César
Du côté des fourneaux, c’est le discret chef Alexandru Ionut Isac qui propose une cuisine alliant une pointe d’Italie à un soupçon de Genève en une belle dose de plaisir. À l’image d’un gourmand œuf GRTA cuit langoureusement à 62 degrés afin de déverser, une fois incisé, son cœur coulant sur une mousse de chou-fleur d’été. Alors que le tartare de bœuf dignement coupé au couteau, croustillant de panais et sa sauce façon César vient ravir nos palais d’homo sapiens carnivore, c’est la tendresse d’un filet de rascasse, quelques scaroles sautées, quelques olives Taggiasche et une crème de lentilles qui nous font chavirer d’un plaisir marin.
Même si le dessert autour du cacao, café et amaretto manque de relief et de structure (comme souvent lorsque les cuisiniers s’attaquent au sucré), le restaurant Natürlich est bel est bien de retour dans nos cœurs de gourmets. Quel enchantement de voir cet établissement, qui a rapidement su nous charmer, renaître. Espérons que cette aventure dure cette fois très, très longtemps.
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