Premier second

Epanouissement culinaire

Arborant fièrement sa veste d’un blanc immaculé rehaussée du traditionnel foulard noué autour du cou porté par les cuisiniers français (pratique abandonnée avec le temps au profit des casquettes et bandanas multicolores), David Devel est un vrai chef de métier dans tous les sens du terme. Un cuisinier qui aime avant tout respecter le produit. Un cuisinier qui prépare avec conviction et passion des sauces, jus et bouillons comme il ne s’en fait presque plus dans la profession. Un cuisinier qui maîtrise ses cuissons avec précision et minutie tel un horloger soucieux de perfectionner sans cesse un mécanisme. Pour lui, la quête du plaisir passe forcément par l’épanouissement en cuisine. « Comme pour tout autre métier, si l’on n’éprouve pas du plaisir à cuisiner, autant changer d’orientation professionnelle. Au bout du compte, les convives le ressentiront dans l’assiette. Un plat est le prolongement d’une multitude de sentiments. »

Heureusement pour nous, l’ancien disciple de Guy Savoy est plus épanoui que jamais et ne demande qu’à laisser sa palette gustative s’exprimer en toute liberté. A l’image de cette fine tartelette aux cèpes qui révèle tout le savoir-faire du cuisinier. Attention, c’est un plat en association créative avec le maître des lieux : Michel Roth en est l’instigateur et David Devel le créateur. Une entrée remarquable qui permet d’allier la recette traditionnelle du Meilleur Ouvrier de France avec la créativité du Champion de France des Olympiades des Métiers.

Alors que les cèpes sont confits dans la graisse de canard et disposés par la suite sur un sablé à l’orange, un jus de canard à la cazette est délicatement versé sur les champignons. C’est toute la magie du duo qui opère dès le premier coup de fourchette. Cette symphonie automnale est suivie d’un deuxième entracte toujours autour d’un carpaccio de cèpes, secrètement révélé sous la même assiette, accompagné d’une sauce persillade qui vient prolonger l’instant gourmand. « Notre créativité reste extrêmement participative. Tout le monde dans l’équipe a son mot à dire. Dans l’ensemble, notre philosophie est de faire évoluer notre cuisine sans la révolutionner » rappelle David Devel.

 Gardien du temple

Sans aucun quiproquo ni désir de supériorité, le tandem du Bayview s’admire mutuellement et fonctionne à merveille. Même si le respect s’impose lorsque Michel Roth rôde dans les couloirs de l’hôtel, le garde à vous rigide et disciplinaire n’est aucunement de rigueur lors de ses venues. C’est la passion de la cuisine qui anime les deux protagonistes. Aucun doute, ils fonctionnent sur le même fuseau horaire culinaire et la partition gastronomique continue sa douce évolution. Au balbutiement de la période de chasse, David Devel accentue son savoir-faire gourmand et séduit le publique avide de cette cuisine traditionnellement généreuse. Le filet et côte de chevreuil maturés aux 3 poivres, légèrement fumés, sont une tendre délicatesse en cette vague automnale. Mais c’est l’incontournable lièvre à la Royale qui fait chavirer les cœurs des passionnés. Inhabituellement accordée avec un vin liquoreux, l’association est un doux moment de délectation.

Aucun doute possible, la paire maîtrise son œuvre sans tomber dans la monotonie créative. Même si des plats sont devenus au fil du temps des classiques, David Devel veille au grain et laisse cours à son imagination au gré des arrivages saisonniers. Il est grand temps de se laisser porter par un duo en plein épanouissement créatif…