Saveurs grecques

Edouard Amoiel

31 janvier 2022

Le chef Konstantinos Kamperis attise la flamme des fourneaux du restaurant Khora et fait souffler sur Genève un vent gourmand en provenance de Grèce.

Par beau temps, l’arcade abritant le restaurant Khora est un vrai puits de lumière baigné par la douceur hivernale. Après le succès du réfectoire péruvien Alma, le groupe Shelter lance son alter-ego hellénique, quelques mois avant la crise sanitaire. Les amateurs de cette cuisine méditerranéenne toujours en vogue, se sont précipités pensant se retrouver sur les plages de Mykonos. Dès son ouverture à la rentrée 2019, les premiers retours sont mitigés et les avis divergent mais l’endroit, par l’effet nouveauté, fait néanmoins salle comble. Deux ans et un virus plus tard, qu’en est-il de ce représentant de la culture gastronomique grecque ?  Portrait d’un chef atypique qui tient d’une main de maître les cuisines de l’établissement.

Chef Konstantinos Kamperis du restaurant Khora

© Restauran Khora

Force Spéciale

Concentré derrière le passe de la cuisine, Konstantinos Kamperis accumule les bons de commande du service de midi. Au premier abord, ce cuisinier charismatique paraît intimidant mais s’avère être, comme souvent, un personnage tendre et attachant. Oublions les contes de fée où la grand-mère cuisinait avec amour le poulet rôti et ses pommes de terre dorées pour une table dominicale joyeuse et conviviale. Pour le jeune Konstantinos, la passion des marmites n’a aucun lien avec sa famille. « Je dois être le seul cuisinier à ne pas avoir de souvenirs d’enfance gastronomiques » raconte-t-il sur le ton de la plaisanterie. Fils de parents divorcés, il est balloté de foyer en foyer sans perspective ni repère. Parachutiste dans les Forces Spéciales, c’est le service militaire – obligatoire en Grèce – qui va mettre l’adolescent rebelle sur les rails. « Il me fallait un cadre, une discipline afin de m’en sortir. Si les parents ne le donnent pas, c’est l’armée qui s’en charge ».

Sans but professionnel précis, il intègre presque par hasard une école hôtelière non loin d’Athènes. Avec une structure hiérarchique en tout point semblable à celle inculquée dans l’univers militaire, le jeune Konstantinos s’émancipe durant son apprentissage en restauration. Il apprend sérieusement le métier derrière les fourneaux d’une grande chaîne américaine. Normes d’hygiène, standardisation, règlementations, organisation, connaissance des marchandises, gestion des stocks… tout y passe. « Pour moi, c’est là que tout a commencé ».

Les entrées du restaurant Khora

© Edouard Amoiel

Equipe anglaise

Le chef en devenir est ensuite engagé dans la brigade du plus bel hôtel de la capitale grecque et découvre un monde où le culte du produit et le respect des saisons sont au cœur du métier. Dans une ambiance « à la française », il rajoute une corde haute gastronomie à son arc culinaire avant de s’expatrier pour la première fois en 2006. Direction Londres, chez Gordon Ramsey, l’un des chefs cuisiniers anglais les plus médiatiques, réputé aussi pour son caractère colérique. « A cette époque de ma carrière, j’étais dans la Mecque de la cuisine anglaise » se souvient-t-il. La même année, il étoffe son  curriculum vitae en rejoignant l’équipe de l’Atelier flambant neuf de Joël Robuchon.

Suivant la carrière professionnelle de son épouse, c’est par amour que Konstantinos arrive à Genève. Il enchaîne les expériences sur les bords du Léman avant de se diriger vers la restauration collective. « À ce moment-là, j’ai fondé une famille que j’avais envie de voir grandir. Contrairement à l’exemple parental que j’ai eu étant enfant, j’ai voulu faire passer ma famille avant ma carrière. Je ne regrette rien, bien au contraire ». Il profite de cette période pour revenir aux fondamentaux de la cuisine de son pays d’origine. Tout en travaillant la journée, il élabore des recettes traditionnelles grecques durant ses soirées.

© Edouard Amoiel

Retour aux sources

Coup du sort, en 2019 le groupe Shelter sollicite ses services en tant que consultant pour la création de son prochain concept grec. Le challenge est de taille. Mais au bout de quelques mois, le « tzatziki » ne prend pas et les recettes conseillées par Konstantinos ne sont pas suivies par la brigade en place. Contre toute attente, il revient à ses premiers amours et reprend le poste de chef du restaurant Khora. Un mois plus tard, le Covid-19 débarque ! « Nous avons profité de cette période de crise sanitaire pour nous réinventer et proposer une nouvelle carte de mets identitaire et contemporaine. Il fallait tout revoir. Nous sommes enfin un vrai restaurant grec où nos clients voyagent au gré des traditions gastronomiques de mon pays » !