Oiseau de nuit

Edouard Amoiel

22 novembre 2023

Hugo de Deus est le patron du restaurant Chez Piaf, du speakeasy Bambou et du club Brigitte en plein cœur des Pâquis. Portrait d’un homme de nuit qui a mille et une vies le jour.

Vêtu entièrement de noir, look de gendre idéal, un peu rebelle, « les yeux revolver », Hugo de Deus serait-il intimidant ? Au contraire… son allure lui donne un air rassurant. Selon ses propres aveux, il aurait pu être différent : plus espiègle, plus fougueux, impétueux même comme dans ses jeunes années. Mais rien de tel à l’aube lointaine de ses quarante printemps. Très en phase avec son passé et son présent, Hugo de Deus a toujours eu le goût de l’aventure. Cet ancien mannequin et musicien,habitué des podiums parisiens autant que des scènes de festival, a toujours été de près ou de loin attiré par le monde de la nuit. Sans jamais se laisser happer par les démons de minuit, il parvient néanmoins à faire briller de mille feux une industrie qui peine à se relever après le passage de la crise sanitaire. Rencontre avec un personnage discret pour qui nuit rime avec vie.

Social Media Optimized Files Chez Piaf Juin 2002 Interieurs 12
Chez Piaf © Guillaume Cottancin

Bambou et Brigitte

C’est après avoir fait le tour du propriétaire que l’on peut prendre conscience des différents univers feutrés créés par cet entrepreneur chevronné. Tout d’abord, un restaurant dans un esprit complètement bistrot qui sert des plats revigorants dans l’air du temps où une burrata parfumée à la menthe rivalise avec un ceviche de bar rehaussé d’un vinaigre balsamique blanc, un wok de volaille cacahuète et basilic thaï ou un filet de rouget à la provençale. Chez Piaf, il y en a pour tous les goûts. Puis, après avoir festoyé, il faut pousser la porte au fond du couloir afin de découvrir le « speakeasy » Bambou. Au programme : une boule à facettes, des vinyls et des cocktails qui font l’apanage et l’ambiance du lieu… On ressort en empruntant les escaliers qui mènent au club Brigitte où une sélection de morceaux vous emmène dans un voyage musical plein de gaieté, à l’inverse de ce qui se fait dans ce milieu. 

Hugo de Deus grandit dans une ambiance familiale soudée autour de la table. Plutôt salé que sucré, il se délecte des plats langoureusement préparés par sa mère. Loin d’être assidu sur les bancs d’école, le jeune étudiant est plus rêveur que bosseur et décide de quitter le système éducatif un an avant le bac. « L’école n’était pas faite pour moi ou moi je n’étais pas fait pour l’école. Je suis un artiste » ! Hugo se lance dans la musique et quelques années plus tard crée son groupe « Gama ». Auteur et compositeur, il arpente les scènes suisses en première partie d’artistes connus comme Patrick Bruel et MC Solaar. Une vie de bohème qu’il garde secrètement pour lui. « Même si j’aime recevoir, je n’aime pas me mettre en avant. Cette vie passée fait intégralement partie du moi mais elle fait néanmoins partie du passé. J’ai eu énormément de liberté mais la clé de tout, c’est l’éducation que j’ai reçue. J’ai toujours su où se trouvait les limites ». 

Low Quality Jpg Chez Piaf Fevrier 2023 136
Hugo de Deus © Guillaume Cottancin

Des podiums au bar

Loin d’adopter un comportement attentiste, Hugo de Deus est plutôt de ceux qui poussent les portes et bousculent les codes. La chance lui sourit lors d’une partie de bowling où un recruteur de mannequins l’aperçoit et lui propose de faire des défilés. Très vite, il gagne ses premiers cachets et voyage arpentant les podiums entre Paris et Milan. Après quelques années entre mannequinat et scènes musicales, il revient en terre genevoise et se lance dans le monde de la restauration. C’est au sein du bar et restaurant l’Armoire qu’il apprend le métier avant d’enchaîner des postes au sein de divers établissements et de finalement poser ses valises au Mambo, temple de la salsa à l’époque. Il tente de faire fonctionner un espace qui s’avère difficile à gérer et décide de démissionner faute de moyens pour développer ses idées. C’est lors d’un concert de musique organisé avant son départ qu’il est accosté par le propriétaire de l’immeuble. Ce dernier l’incite à rester. L’aventure patronale peut débuter…

En 2017, il récupère le fonds de commerce et commence dans la foulée les travaux de rénovation, transforme la pizzeria adjacente en un restaurant qui deviendra Le Piaf actuel. Il réunit les différents espaces au sein d’une même entité autour de la restauration, du bar et de la boîte de nuit. Alors qu’il est sur le point d’ouvrir, la Covid-19 débarque et paralyse la planète. Il ne lâche rien, se bat et prend son mal en patience. Difficile de faire autrement. « Je ne suis pas du genre à baisser les bras. Même la crise sanitaire ne m’a pas empêché d’aller de l’avant ». 

Low Quality Jpg Chez Piaf Octobre 2022 94

Amour de la musique

Aujourd’hui, Hugo de Deus est un patron heureux malgré toutes les difficultés inhérentes à la restauration et au monde de la nuit. Après cette épidémie mondiale, comment fait-il pour s’adapter à une forme d’activité nocturne en mode 2.0 ? Son concept : aller à contre sens des tendances et remettre les énergies des années 70 et 80 au goût du jour. « La création de ces diverses ambiances me donne l’envie de m’entourer de gens avec qui je peux partager mon amour de la musique et ma vision de la fête ». Alors dansons…